Environnement : 665 poissons suivis à la trace dans le Petit Buëch
Publié le – Mis à jour le
«Du poisson ici ? Vous rêvez ! », assène depuis le pont des Savoyons, à Veynes, un curieux venu voir ce qui se trame dans le lit du Petit Buëch, mi-septembre. Et d'enfoncer le clou en désignant de la main la passe à poissons juste en dessous. « Ce truc immonde, il sert à rien. ». C'est partie pour une petite séance de pédagogie, toute en diplomatie. Pascal Krieg-Rabeski et Séverine Voisin, techniciens rivière du Département, commencent à en avoir l'habitude.
« C'est vrai que les gens ont du mal à comprendre cette passe. Surtout qu'ils sont persuadés que la rivière est dépeuplée. Tout ça parce qu'ils n'attrapent rien », se désole David Doucende, chargé de mission au sein de la Fédération de pêche haut-alpine. Pourtant, avec son équipe, il sortira 665 poissons (225 truites, 213 blageons et 227 chabots). Une pêche* de deux jours ciblant aussi bien l'aval que l'amont de l'ouvrage, à laquelle deux agents de l'Office français de la biodiversité ont également participé. Parmi eux, Yannick Pognart, inspecteur de l'environnement, qui a donné son go à toute l'opération.
Petit rappel sur le pourquoi de la construction de cette passe : combler une fosse subaquatique de 2 m de fond qui menaçait l'intégrité du pont des Savoyons et formait un obstacle insurmontable pour les poissons. Une situation incompatible avec la réglementation européenne qui s'impose au Département, au regard de la continuité écologique des rivières.
Petite capsule en verre, abritant une technologie pareille au sans contact de nos cartes de crédit, placée à fleur de peau
Retour sur le terrain, les pieds dans l'eau. Chaque animal passe entre les mains des scientifiques de Scimabio, structure spécialisée dans l'écologie aquatique. Mini incision au niveau de l'abdomen. Petite capsule en verre, abritant une technologie pareille au sans contact de nos cartes de crédit, placée à fleur de peau*. Et hop, passage par un bain de réveil aux paramètres sous haute surveillance. Puis, retour dans les eaux limpides du Petit Buëch, à l'aval de la passe à poissons, histoire d'optimiser les résultats d'une étude qui durera deux ans.
Savoir comment circulent les poissons dans la passe
L'objectif pour le Département ? Apporter la preuve irréfutable que sa passe à poissons joue bien son rôle, en permettant à la population piscicole de remonter le courant pour aller frayer ou trouver un coin plus au frais (du fait du réchauffement de nos rivières). La particularité de l'ouvrage ? Être composé d'un côté de plots en béton et de l'autre d'un radier artificiel.
J+2 après la pêche, les premières données tombent : 174 poissons ont franchi la passe, 53 via les plots et 121 par l'enrochement. « Ces données nous renseigneront avec précision sur la façon dont y circulent les poissons et donc sur la manière dont fonctionne cet ouvrage. Ce qui nous permettra d'adapter encore davantage nos futures passes et si besoin améliorer l'existant », explique le technicien rivière.
Les enseignements immédiats à tirer : il y a bien du poisson dans le Petit Buëch, n'en déplaise aux pêcheurs malchanceux. Et la « continuité de circulation » de la faune aquatique est bien assurée. Partage de la connaissance oblige, les résultats seront également mis à disposition de l'OFB, de la Fédération de pêche ou tout autres partenaires qui en feraient la demande.
*Par le biais d'une pêche électrique. **Afin d'intervenir sur les poissons, Scimabio a obtenu un agrément du ministère de la Recherche. Le protocole de cette opération de marquage a été approuvé par l'OFB. ***Un concentré de technologie qui sera détecté par des antennes installées en amont et aval de la passe. Ce dispositif permettra de déterminer quels poissons franchissent la passe, à quel moment et dans quelles conditions.
Consultez aussi...
-
-
-
Aménagement du territoire, Environnement: Assises de l’eau, après la réflexion place à l’action