Routes et mobilités : Dossier RD 1075 : Le casse-tête invisible des travaux routiers

Ralentissements, déviations, alternats. Le Département s'active des mois à l’avance pour minimiser les perturbations de ses travaux routiers sur la circulation. Un véritable casse-tête, surtout lorsque plusieurs opérations doivent être menées simultanément. En route sur la RD 1075.

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Photo prise depuis l'habitacle d'une voiture donnant sur une route en travaux habillée de signalétique provisoire. - Agrandir l'image, fenêtre modale
Signalétique provisoire et déviation participe à la cohabitation entre les usagers de la route et les travaux. ©Stéphanie Cachinero / Département des Hautes-Alpes

Mi-février, pont de Pierre à l’entrée de Serres, sur la RD 1075. Plus que deux mois de travaux. Débutés en mai 2023, on peut dire que ça y est, « on en voit le bout ». « Les gens pensent souvent que tout commence avec les premiers coups de pelle. En réalité, pour nous, les travaux signifient que le projet entre dans sa phase finale. En amont, il y a des semaines, voire des mois de travail », confie le service ingénierie routière. Qu’il s’agisse des études de faisabilité et environnementales, de la prévision des déviations qu’il faudra mettre en place (en collaboration avec les Antennes techniques concernées), quand, des mois plus tard, les entreprises pointeront le bout de leur nez… Autant de préalables transparents aux yeux du quidam, mais bien réels.

Un fil conducteur indérogeable : impacter le moins possible les usagers de la route.

Une fois que les engins investissent les lieux, ça continue encore et encore : coordonner les différentes phases des opérations ; orchestrer les alternats (automatiques, manuels, de nuit…) l’œil rivé sur le calendrier des vacances et grands week-ends ; mettre en place des itinéraires bis, souvent sur des axes sous-dimensionnés au regard du flux d’une route départementale (elle-même modernisée afin de pallier l’absence d’une autoroute qui joue les Arlésiennes, l’A51 en l’occurrence) ; jouer de diplomatie afin de faire passer l’idée auprès des communes concernées, souvent peu ravie d’accueillir une kyrielle de voitures et camions sur leur réseau ; prendre contact avec les solutions de navigation GPS histoire de moduler au mieux le trafic ; créer des routes provisoires s’il le faut ; s’assurer que les délais soient respectés ; absorber les imprévus ; trouver des solutions aux problèmes qui surgissent sans crier gare, comme cette vague de crues dans le Buëch. Et tout ça avec un fil conducteur indérogeable : impacter le moins possible les usagers de la route.

À l’approche du pont, une mini pelle et deux hommes en habit de travail en train de fignoler ce qui ressemble à un coffrage en ciment. Il ne s’agit pas d’un simple trou, mais du raccordement d’un opérateur de téléphonie qui entre enfin en action. « On les avait prévenus que s’ils n’intervenaient pas avant que l’on installe nos trottoirs, ils ne pourraient plus rien faire », explique le service ingénierie routière.

Télécom, pipeline, négociations…

Ok, il faut aussi penser aux réseaux télécoms quand on veut moderniser un pont ? « Tout comme à l’eau potable, l’assainissement… Il faut aussi avoir en tête le pipeline qui longe la RD 1075 et qui concerne un chantier sur deux », déroule le service. Et d’ajouter : « Ici, pour ce qui est des télécommunications, il n’est pas juste question d’un opérateur, mais de quatre. Leurs câbles aériens nous empêchaient de faire venir nos grues. Il a fallu entamer avec eux des discussions pour qu’ils acceptent de les enterrer. La commune de Serres a pris à son compte de creuser une petite tranchée traversant la chaussée pour assurer un raccordement qui servira à alimenter le hameau situé de l’autre côté du Buëch. Nous, nous poursuivrons la liaison via les trottoirs que nous allons aménager au niveau du tablier du pont. Ne manquait plus que le quatrième opérateur, qui ne s’était pas manifesté jusque-là. Mais là c’est bon, nous pourrons reprendre les travaux le 24 février l’esprit tranquille. »

Tout remettre en état

À deux pas de là, une route provisoire asphaltée. « Pour intervenir dans de bonnes conditions, nous avons dû prévoir une zone de chantier suffisamment grande. Ce qui a impliqué de dévier la route originelle. Et là, on passe sur un terrain privé qui accueille un bâtiment commercial. Il a fallu entrer en contact avec les propriétaires et le locataire. Et les dédommager. Quand le pont sera terminé, il faudra tout remettre en état. Donc, faire disparaître cette voie temporaire et retourner sur la ‘‘vraie’’ route », explique le service ingénierie routière. Le hic ? Suite aux intempéries de juin, la berge montre de sérieux signes de faiblesse, au point de grignoter le bitume. Un nouvel aléa qui viendra alourdir la facture.

Les crues de décembre nous ont fait aussi beaucoup de mal, emportant par trois fois les plateformes de travail que nous avions installées dans le lit du Buëch

« Les crues de décembre nous ont fait aussi beaucoup de mal, emportant par trois fois les plateformes de travail que nous avions installées dans le lit du Buëch. Ce qui, par ailleurs, nous a conduit à passer par une procédure complexe au regard de la loi sur l’eau. Tout cela, il a fallu le synchroniser avec d’autres chantiers simultanés, qui eux aussi ont rencontré leur lot de difficultés. » Juste pour rappel, la modernisation de la RD 1075 court sur 49 km dans les Hautes-Alpes. Des nœuds au cerveau, il a dû y en avoir beaucoup, et c’est loin d’être terminé avec la perspective des JOP 2030.

Trois grandes livraisons

  • Le giratoire d’Aspres

    Livraison prévue fin février. Coût : 840 000 €, dont 336 000 € de subvention de la part de l’État

  • Le pont du Rose

    Près de Saint-Jilien-en-Beauchêne. Livraison prévue mi-avril. Coût : 2,3 M€, dont 912 000 € de subvention de la part de l’État

  • Le pont de Pierre à Serres

    livraison prévue mi-avril. Coût : 2,7 M€, dont 480 000 € de subvention de l’État


Des carottages pour savoir où on en est

De la frontière avec la Drôme, un peu après Saint-Julien-en-Beauchêne, jusqu’à Aspremont, les agents du laboratoire routier, Pierre Rolland, responsable qualité des travaux routiers, et Lionel Givaudan, technicien, se sont armés de leurs outils et ont prélevé des bouts de RD 1075. Un carottage tous les kilomètres, sur 24 km. « Nous avons analysé la structure du bitume, vérifié si les couches dites ”roulantes” ne s’accumulaient pas de façon excessive. L’idée étant de s’assurer que la route est bien adaptée à la circulation sur cette portion. Et c’est le cas », rassure Pierre.

Pour rappel, la RD 1075 dans les Hautes-Alpes, c’est 49 km, un trafic moyen de 6 700 véhicules jour au sud et 5 500 au nord. Chiffres pouvant atteindre les 18 000 véhicules jour lors de certains chassés-croisés.


Discrètes, nombreuses et stratégiques, les berges

On ne les remarque que peu au volant. Ils sont pourtant nombreux à jalonner la RD 1075. Le Département leur a d’ailleurs apporté une attention toute particulière en variant les techniques, du génie civil, au 100 % végétal en passant par du mixte. Et un budget conséquent qui affiche 2,4 M€. Focus sur les confortements de berges, protecteur de la route contre la colère des rivières, Buëch en tête.

RD 1075, direction Saint-Julien-en-Beauchêne. Au bout d’une dizaine de minutes derrière le volant : « Je ne les ai pas toutes mentionnées, mais là on est passé devant huit berges sur lesquelles nous sommes intervenus, à des degrés différents », explique l’agent du service ingénierie routière. Dans le cadre de la modernisation de la route qui supplée l’absence d’autoroute sur l’axe Sisteron-Grenoble, le Département des Hautes-Alpes leur consacre 2,4 M€.

Le moins de béton possible

Au programme, une quinzaine de sites. Les techniques ? Du génie civil traditionnel avec de l’enrochement 100 % béton, du génie mixte introduisant une part de vivant et du génie 100 % végétal, dont le Département a déjà fait l’expérience par le passé mais qui reste encore assez marginal.
« Nous avons fait un gros travail avec le service Eau. L’objectif était d’éviter le béton autant que possible afin de minimiser l’impact des travaux sur l’environnement et le Buëch. Dans certains cas, du fait des contraintes géologiques et hydromorphiques, nous n’avons pas pu l’éviter. Par contre, à Aspremont, toutes les conditions étaient réunies pour du 100 % végétal. »

Sur près de 80 m, des pieux taillés dans des troncs, stigmates des crues de juin. Alignés les uns à côté des autres, les voilà formant une espèce de corridor d’une bonne dizaine de mètres de large, le long de la berge malade. Sur près de 1,5 m de hauteur, des amas de branchages, de matière végétale et de petits troncs se succèdent en couches. Le tout retenu par de solides câbles en métal. De quoi former un parfait substrat aux jeunes saules prélevés un peu plus loin.

« Il faut encore attendre que tout prenne comme il faut. Mais d’ici quelque temps, ce sera aussi solide qu’une solution plus traditionnelle. » Et qui, in fine, finira par se fondre complètement dans le paysage, pour ne former plus qu’un avec lui. 

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