Culture, Environnement : Embarquement immédiat en gare de Serre-Ponçon

Une fois par an, lorsque le niveau du lac baisse, des colosses de béton émergent, témoins d'un passé bien moins connu que ses eaux turquoises. Éloignez vous de la bordure du quai, le train va entrer en gare de Serre-Ponçon.

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Un ancien pont ferroviaire émerge des eaux turquoise du lac de Serre-Ponçon pour le plus grand bonheur de promeneurs qui quelques semaines par an peuvent le traverser de part en part. - Agrandir l'image, fenêtre modale
Quelques semaines par an le viaduc des Moulettes se laisse traverser de part en part. ©Stéphanie Cachinero / Département des Hautes-Alpes

Une route cahoteuse. Un pont aussi imposant qu’étroit. Il y a quelque chose qui ne colle pas avec la route qui conduit jusqu’à la Baie de Chanteloube. « En fait, nous sommes en train de rouler sur une ancienne voie ferrée. Ça n’a pas du tout été conçu pour que deux voitures se croisent. Une fois qu’on le sait, ça devient évident : ce pont, c’est en fait un pont ferroviaire », sourit Cécile Turin, chargée de mission patrimoine alpin du Département.

Et cette maison un peu plus loin, qui accueille désormais le club nautique, elle est « typique de l’architecture dite SNCF du début du XXe siècle. Il s’agit très probablement d’une maison de garde-barrière. Ou même d’une gare, si on en croit le panneau indiquant le nom de la rue, juste là ».
Tous ces vestiges font partie d’une histoire dont les premières lignes ont été écrites en 1909, un peu après l’arrivée du rail dans les Hautes-Alpes (en 1875 du côté de Veynes). Ici, deux lignes presque siamoises, Gap-Briançon et Chorges-Barcelonnette.

Des constructions émergeant ici et là

Au tableau d’affichage de la première, 75 ans de bons et loyaux services entre 1883 et 1958. Quelques années avant la mise en eau du barrage de Serre-Ponçon. Un événement majeur qui a conduit à surélever le tracé initial. 1961, les flots turquoises recouvraient tout. Villages (Savines et Ubaye…), hameaux (Saint-Michel, Lionnets…), ponts (de Réallon, viaduc de Prégo-Dieu), tunnels (celui de Bassones, des Hyvans ou du Sauze, le plus long de tous), engloutis. Lorsque la côte du lac baisse, des constructions émergent ici et là.

« Il y avait aussi un tunnel (du Grand-Pré) derrière nous, mais on ne le devine même plus », explique Cécile depuis la grève d’une plage de Chanteloube, le doigt pointé sur une petite carte. Dernière preuve de l’existence de celui qui a laissé place à une forêt de pins au milieu de laquelle serpente un petit « sentier côtier ».

« Aucun train n’a jamais circulé sur le viaduc de Chanteloube »

Mais l’ouvrage le plus imposant, le plus connu aussi, est le viaduc des Moulettes (ou viaduc de Chanteloube). En ce début mars, il se laisse traverser de part en part. Sa particularité ? « Aucun train n’a jamais circulé dessus », souligne Cécile. « Sa construction a débuté vers 1910, puis la Première Guerre mondiale a interrompu les travaux », détaille Cécile.

Quelques recherches complémentaires font état d’une reprise des grandes manœuvres post-guerre. Mais la grande crise de 1929 a marqué un second coup d’arrêt au chantier qui sera finalement abandonné. Tout comme le projet dont il faisait partie : la création d’une ligne entre Chorges et Barcelonnette, dans la vallée de l’Ubaye. Aujourd’hui, des colonies de petites moules ont investi l’ouvrage qui, quelques semaines par an, laisse les randonneurs marcher sur les traces d’un passé ferroviaire dont certains ignorent jusqu’à l’existence. Un passé pourtant à l’origine d’un patrimoine d’une richesse sans commune comparaison, des lieues à la ronde. Alors, la prochaine fois que vous irez traîner vos guêtres du côté de Chanteloube, vous aussi remontez le temps.


Un barrage venu des grandes plaines du Montana

Comment dompter la Durance, surmonter les périodes de sécheresses dévastatrices et contenir la furie de la rivière suralimentée lors de la fonte des neiges ? Une question qui taraudait les ingénieurs du XIXe siècle. Leur préconisation ? Un barrage. Le hic ? C’est qu’à l’époque, on ne sait faire que des barrages en béton, bien ancrés dans la roche. Or, à Serre-Ponçon, la nature du sol est ultra sédimentaire. Problème.

La solution viendra des grandes plaines du Montana, aux États-Unis. Dans les années 1930-1940, est alors construit le barrage de Fort Peck dans une zone aux caractéristiques géologiques assez similaires. C’est lui qui a inspiré la construction, entre 1955 et 1960, de celui qui est devenu le barrage de Serre-Ponçon.

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