Culture : Ils défont la France des « Chaines » allemandes

Ils ont apporté leur pierre à l'édifice de la victoire contre le IIIe Reich. Les hommes de « La Chaine ». Mouvement ayant œuvré pendant quelque temps depuis le château de Montmaur.

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Une vielle photo en noir et blanc un peu passée. Dessus, une vingtaine d'hommes en costume-cravate, d'autres en veste de ville et béret sur la tête. La plupart sourient. Ils semblent poser pour la postérité. Parmi eux, François Mitterrand jeune. - Agrandir l'image, fenêtre modale
Une partie des hommes de La Chaine et du futur mouvement de Résistance RNPG, posent devant la château de Montmaur en 1943. Figure sur la photo Antoine Mauduit et François Mitterrand jeune. ©Département des Hautes-Alepes / Photo Archives départementales des Hautes-Alpes, 109 J 2

C'était il y 80 ans. 1944, au cœur de l'été, le 20 août. Sur une photo en noir et blanc, des hommes en treillis, fusil sur l'épaule, marchent en colonnes dans les rues de Gap. Un commando de 22 FFI, Forces françaises de l'intérieur, sous les ordres de feu le Commandant Dumont, Paul Hérault de son vrai nom, abattu quelques jours plus tôt près de Tallard. Mais pour l'heure, les civils applaudissent ses troupes, annonciatrices de la fin de 5 ans de guerre, d'oppression, de terreur. Au même moment, sept autres commandos s'invitent dans les rues gapençaises. Dans leur sillage, des blindés américains. Cette fois, c'est sûr, l'Allemagne est en passe d'être vaincue, la France libérée.

S'ils n'apparaissent pas sur ce cliché, ils ont pourtant apporté leur pierre à l'édifice de la victoire contre le IIIe Reich. Les hommes de « La Chaine », mouvement ayant œuvré pendant quelque temps tout près de là, depuis le château de Montmaur sur lequel veille le Département depuis 2006.

Antoine Mauduit

À l'origine de cette épopée, Antoine Mauduit. Après une année de captivité comme prisonnier de guerre sous le joug nazi à Weinsberg, dans l'ouest de l'Allemagne, il finit par être libéré en juillet 1941. En contrepartie ? La promesse de se battre en Syrie dans les troupes du régime de Vichy, pour le compte des forces de l'Axe. Profitant de négociations entre Georges Scapini, ambassadeur de Vichy auprès de prisonniers de guerre, et les Allemands, il n'en sera rien pour Mauduit.

Il prendra alors la route, direction Veynes, pour y retrouver la famille de l'un de ses compagnons de galère, Georges Rosanvallon. C'est là qu'il entend pour la première fois parler du château de Montmaur.

Issu d'un milieu bourgeois et, par le passé, à la tête d'une entreprise fleurissante (Fabrique française de couleurs métalliques), il a les moyens financiers. L'endroit lui semble idéal pour donner corps à ce rêve communautaire qui s'impose de plus en plus à lui : un retour à la terre et à la simplicité, le tout empreint d'une forte spiritualité qui se cristallisera autour de Notre-Dame de La Salette. Sa décision est prise. En mai 1942, le voilà locataire du château de Montmaur.

La rupture avec Pétain

Restant dans un premier temps attaché à la figure du Maréchal Pétain, Antoine Mauduit pose à Montmaur les fondements sa nouvelle vie haut-alpine en s'appuyant sur les réseaux vichystes qu'il s'est forgé lors de son passage au sein de « l'armée d'armistice ». C'est donc avec le soutien du régime de Vichy que le réseau La Chaine voit le jour le 15 juin 1942. Cependant, gravite également autour delui des amis chrétiens hostiles au nazisme.
Les premiers hôtes du réseau ? D'anciens prisonniers de guerre, évidemment. Pour ceux restés en Allemagne ? L'urgence de les faire évader. Fabrication de faux papiers, agents sur le terrain, La Chaine met alors secrètement en place une véritable filière. Le tout avec le concours de responsables de l'administration française et plus précisément du Commissariat au reclassement des prisonniers de guerre. Des hommes gardant foi en Pétain, mais déterminés à combattre les Allemands. Parmi eux, François Mitterrand, qui d'ailleurs séjournera à Montmaur.

À l'invasion de la zone libre en novembre 1942, s'est est trop. Réunis à Montmaur, en février 1943, Michel Cailliau, neuveux du général de Gaulle, Marcel Haedrich, journaliste et écrivain, Étienne Gagnaire, syndicaliste, François Mitterrand… créent leur mouvement de Résistance, le Rassemblement national des prisonniers de guerre. Le commandant Mauduit en est, mais tient à l'indépendance de la Chaine.

Les premiers maquis

Dès 1943, Montmaur abrite des Juifs persécutés (dont la famille de celui qui fera tomber Klaus Barbie, dit le boucher de Lyon, Serge Klarsfeld) et des réfractaires au STO (service du travail obligatoire). Dans la foulée, Mauduit, fort de son expérience de commandement militaire, forme des maquis, les tous premiers de France. Maniement des armes (subtilisées aux alliés italiens d'Hitler, en déroute en septembre 1943) et entrainements au combat s'invitent dans le quotidien du château. En parallèle, La Chaine noue des liens avec d'autres mouvements de résistance. Il est même question, en novembre 1943, de faire de Montmaurt l'écrin de l'École des cadres du Maquis financée par l'Armée secrète (AS).

Mais le 28 janvier 1944, tout s'arrête précipitamment. La Gestapo de Gap arrête Mauduit qui sera déporté le 12 mai 1945 à Buchenwald. La Chaine se rompt. Si elle n'a pas participé directement à la Libération, elle a apporté sa pierre à l'édifice de la liberté.

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