Autonomie : La MDA ouvre les portes de la justice aux personnes sourdes et malentendantes

L'accès au droit ? Un parcours du combattant qui devient celui d'une unité super-commando, lorsqu’une situation de handicap vient tout compliquer. Forts de ce constat, la MDA et le Conseil départemental de l'accès au droit ont organisé, en octobre, un temps avec interprète en langue des signes, conduisant une quinzaine de personnes sourdes et malentendantes jusque dans l'antre de la justice.

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«Nous les sourds, nous sommes coupés du monde, même si nous faisons beaucoup d’efforts pour comprendre, nous sommes limités : les entendants ont leur propre façon de voir le monde. Différente de la nôtre. Alors, ce genre d’initiative est très important », confie de vive voix Jean-Pierre, malentendant profond. D’autant que « nous représentons pourtant une part importante de la population », rappelle en langue des signes Denis, atteint de surdité profonde. Ce matin de la mi-octobre, c’est depuis et avec le concours de la Maison de l’autonomie (MDA) à Gap, que le Conseil départemental de l’accès au droit des Hautes-Alpes (CDAD 05) leur a ouvert (ainsi qu’à une dizaine de leurs compagnons de surdité) les portes de la justice.

Par l’entremise de sa coordinatrice, Marion Candy. « L’une de nos missions est justement de faire connaître le système judiciaire, de le rendre plus accessible aux citoyens. Et encore davantage aux personnes en situation de handicap, dont l’accès au droit s’avère plus compliqué », souligne la juriste. Comme le confirme le ministère de la Justice, sur son site internet (mise à jour en février 2023), où l’on peut lire « qu’aujourd’hui, le handicap constitue un frein dans l’accès au droit ».

D’ailleurs, de façon plus générale, sauf à avoir patiné les bancs d’une fac de droit et suivi les enseignements d’un juriste, qui, parmi le commun des mortels, sait comment fonctionne le système judiciaire français ? Un sondage de 2021 commandé par le Sénat répond à cette question : seules 6 % des personnes interrogées estiment très bien le connaître. 51 % mal, voire très mal. En gros, la majorité (absolue) des Français.

Une situation dont a conscience le Département. Raison pour laquelle la collectivité apporte son soutien financier au CDAD avec une subvention annuelle de 5 000 €. Et en organisant des opérations ponctuelles, à l’image de ces deux demi-journées.

De la théorie et de la pratique

Lors de la première, la MDA a pris des airs d’amphi universitaire : juridictions du premier, second et troisième degrés, magistrats du siège et du parquet, prévenu, victime, ministère public… Un condensé vulgarisé par Marion, traduit par Élisabeth Ducourtioux-Evrard, interprète en langue des signes de la MDA.

En face de Marion, une assistance curieuse et pleine de questions du genre « mais, moi, je suis sourd, comment ça se passe si je reçois une convocation pour être juré d’Assises. J’ai le droit à un interprète ? » La juriste n’a jamais été confrontée à pareil cas. Et ce détail n’est pas enseigné dans la plupart des facs de droit. De quoi refléter à quel point les personnes en situation de handicap sont encore trop souvent oubliées par la société. Une société qui tente de progresser dans sa quête vers l’inclusion. « Nous poserons la question à la présidente du tribunal de Gap où vous serez reçu la semaine prochaine », assure Marion.

Car oui, après la théorie, place à la pratique. Du moins à l’observation. Marion a d’ailleurs tout prévu en amont avec le tribunal de Gap. Pour la première fois de leur vie, Denis, Jean-Pierre, Sabine, Candy… ont pu assister à des procès parmi le public, comme les valides. À ceci près, qu’Élisabeth a pris place près des magistrats, à un endroit stratégique afin de tout leur interpréter en langue des signes. Leur « mot » de la fin : « Merci et bravo pour cette initiative ».